Vous avez sans doute déjà entendu parler de cette plante-remède, certains parmi vous la connaissent même très bien…Il s’agit de la chélidoine ou Chelidonium majus. En grec, « chelidôn » signifie « hirondelle ». Dans la médecine populaire médiévale, on disait que cette plante poussait à l’arrivée des hirondelles et que ses fleurs fanaient à leur départ. On la nomme aussi « l’herbe aux verrues » car l’application locale du latex jaune orangé qui s’écoule de ses tiges coupées permet de venir rapidement à bout de la plupart des verrues. Un autre nom populaire pour cette jolie plante printanière est « la grande éclaire » puisqu’on utilisa longtemps le latex dilué ainsi que les feuilles en décoction en ophtalmologie pour traiter certaines atteintes de la cornée.
La chélidoine est une plante vivace, herbacée (20 à 80cm de haut), très commune en France. Rudérale, on la retrouve souvent le long des murs ou dans les décombres, les friches, jusqu’à 1700m d’altitude. Elle affectionne les sols azotés et riches en calcaire. Elle appartient à la famille des Papavéracées (coquelicot, fumeterre, etc.). La tige cylindrique est creuse, cassante et hérissée de poils épars ; elle renferme un latex jaune orangé corrosif qui s’oxyde à l’air et brunit en séchant. Les feuilles à la base présentent un pétiole a contrario des feuilles au sommet qui sont sessiles. Les feuilles sont molles, profondément découpées en 5 à 7 segments ovales à marge ondulée. La face inférieure des folioles est vert glauque, on observe quelques poils épars tandis que la face supérieure est glabre.
Dès le mois d’avril débute la floraison, qui se poursuivra jusqu’en octobre voire parfois jusqu’en hiver. La fleur comporte 4 pétales jaunes et de nombreuses étamines. Le fruit est une capsule allongée de 3 à 5cm, renfermant de minuscules graines noires disposées sur deux rangs.
La chélidoine renferme de nombreux alcaloïdes isoquinoléiques (chélidonine, sanguinarine, coptisine, chélérythrine, berbérine) ainsi que de la spartéine. Ces nombreux alcaloïdes sont plus ou moins concentrés dans la plante (de 0,3 à 1,3% dans les parties aériennes et jusqu’à 3% dans la racine). La plante renferme également des flavonoïdes et des caroténoïdes responsables de la couleur des pétales.
Les alcaloïdes contenus dans la chélidoine rendent cette plante toxique (hépatotoxique entre autres) ! Bien que classée sur la liste A des plantes médicinales dans la Pharmacopée française, la médecine moderne déconseille fortement l’usage de la chélidoine par voie orale, du fait de son caractère toxique.
La chélidoine est une très bonne plante médicinale, dès lors qu’on en fait un usage subtil et parcimonieux, et surtout tant qu’on garde à l’esprit que cette plante puissante peut tout autant nous soigner que nous empoisonner.
Débutons par quelque chose de simple : l’application locale du latex pour traiter une verrue, un cor ou un durillon.
Ce suc jaune-orangé développé par la plante semble être un mécanisme de défense du végétal pour contrer ses divers ennemis : herbivores, micro-organismes pathogènes (bactéries, virus, champignons).
Il suffit de couper une tige, le suc jaune-orangé s’écoule alors de lui-même. On vient tamponner la verrue avec la section de la tige, sans déborder sur la peau saine. Le latex de la chélidoine est corrosif, il contient des enzymes protéolytiques qui vont digérer progressivement les strates qui constituent la lésion. Par ailleurs, la chélidoine possède une activité antivirale et immunomodulatrice, ce qui permet de se débarrasser définitivement de la verrue. On renouvelle l’application 2 fois par jour jusqu’à disparition complète de la verrue. Et si vous avez à la maison une fiole d’huile essentielle de Ravintsara (excellent antiviral large spectre et immunostimulant), alors vous pourrez alterner entre l’application du suc frais et d’une goutte d’HE de Ravintsara. Cette méthode convient, même aux enfants, dès l’âge de 3 ans.
N.B. : Il conviendra toujours de cueillir un morceau de tige juste avant chaque nouvelle application. Toutefois, si vous n’avez pas de la chélidoine à profusion au jardin, il sera possible d’en cueillir une belle partie et de la conserver durant 2 jours au réfrigérateur en vue d’une cueillette ultérieure.
Aussi, la composition du latex varie au fil des saisons. Les meilleurs moments pour la récolter sont au mois d’avril (concentration la plus forte en principes actifs) ou juste au moment où les fruits apparaissent dans l’été. Le reste du temps, vous pourrez tout de même l’employer, néanmoins la durée du traitement sera sans doute rallongée de quelques jours ou semaines.
Passons à présent aux autres bienfaits de la chélidoine. Il s’agit d’une plante tonique amère. Cholérétique et antispasmodique (mis en évidence chez l’humain), elle est recommandée pour traiter les troubles hépato-biliaires, les spasmes biliaires et/ou intestinaux et soutenir les intestins paresseux qui ont du mal à digérer les repas gras. Légèrement analgésique (démontré chez l’humain), elle permet aussi prévenir et traiter un début de migraine d’origine digestive. (1)
Pour toutes ces indications, le mot d’ordre sera « une utilisation ponctuelle », un à trois jours de prise puis arrêt. On cueillera les parties aériennes au printemps, qu’on fera sécher (la plante fraîche étant trop toxique). On pourra faire une tisane : compter une cuillère à soupe de plante par tasse. Bouillir 3 min puis infuser 10 minutes avant de filtrer. Compter 2 tasses par jour, à boire avant les principaux repas. Le fait d’employer la plante en mélange et non seul permettra de prolonger la prise de quelques jours (sans dépasser une semaine toutefois). Ainsi, si ce sont des spasmes intestinaux qu’on ciblera, on pourra combiner la chélidoine à la menthe poivrée, la mélisse ou la matricaire (d’autant plus que le goût de la chélidoine n’est pas très agréable). Pour des migraines d’origine hépatique, on pourra combiner la chélidoine à la partenelle. Enfin, pour des troubles biliaires, on pourra l’associer au boldo et la fumeterre.
La prise de chélidoine par voie orale sera contre-indiquée aux femmes enceintes ou allaitante, aux enfants, ainsi qu’aux personnes atteintes d’hépatite, de cirrhose ou toute autre situation d’inflammation/souffrance hépatique.
Il existe un moyen de bénéficier du pouvoir thérapeutique de la chélidoine en s’affranchissant de sa toxicité potentielle. Il suffit pour cela de réaliser une dilution importante d’un extrait de cette plante : à partir d’une dilution homéopathique au D3 (dilution au 1/1000ème d’une teinture-mère de chélidoine), la concentration des molécules toxiques devient trop faible pour porter préjudice à son utilisateur. La prise du remède à partir d’une dilution D3 pourra se faire de manière prolongée de façon à travailler en profondeur sur un terrain sans risquer d’abîmer son foie !
Par Benjamin Delfaut