La Fumeterre

Nul besoin d’aller très loin pour mettre le nez sur des plantes médicinales ! Nous vous présentons aujourd’hui la fumeterre. Au fond du jardin, sur un talus, un tas de pierre ou contre un mur, vous y trouverez certainement de beaux spécimens de cette plante bienfaitrice. Alors, ne la piétinez plus et préservez-la ! Elle a tant de vertus.

Zoom sur la Fumeterre :

Fumaria sp.

Fumaria officinalis L. est désormais incluse dans la famille des Papavéracées (dont font partie le coquelicot et la chélidoine). Le nom du genre Fumaria dérive de l’allemand « Edraute » qui signifie « Rue des champs » et par glissement a donné « Edrauch » qui signifie « Fumée de terre ». Il s’agit d’une petite plante herbacée annuelle (30 à 80cm), cosmopolite des décombres. En France, elle apparaît au mois de février. Sa racine est pivotante et de taille bien inférieure aux parties aériennes ; sa tige, dressée ou rampante, est frêle et délicate : on a vite fait d’arracher la fumeterre par mégarde ! Les feuilles sont alternes et divisées, de couleur vert glauque.  On constate deux saisons de floraison : une au printemps (mars à mai), la seconde à l’automne si les conditions le permettent. Les fleurs sont regroupées en grappes à l’extrémité des tiges : elles sont rose clair, marqué de pourpre foncé voire de brun au sommet. Les fruits sont de minuscules capsules ovoïdes. Toute la plante dégage une légère odeur âcre. La fumeterre a une saveur amère qui a tendance à s’accroître au séchage.

Que renferme la fumeterre ?

En médecine, on emploie l’ensemble des parties aériennes fleuries.

La fumeterre renferme une forte teneur en sels minéraux (potassium) lui conférant une action diurétique. Elle contient aussi des tanins (astringence), des flavonoïdes (rutoside, isoquercétine), de l’acide fumarique et des acides-phénols qui vont participer à l’amertume de la plante. On retrouve de très nombreux alcaloïdes (près d’une centaine décrits au travers des différentes espèces de fumeterre) qui sont titrées à près de 0,3% du totum de la plante ; l’alcaloïde principal étant la protopine.

À quoi peut-elle bien servir ?

L’amertume de la fumeterre (notamment en infusion des parties aériennes séchées) permet de stimuler l’appétit chez les convalescents (plante apéritive). Elle stimule l’ensemble des sécrétions digestives, principalement lorsque celles-ci font défaut : salivation, sucs gastriques, bile. Dans ce cas, prendre une tasse concentrée d’infusion 20 à 30 minutes avant de se mettre à table.

La fumeterre est amphocholérétique : cela signifie qu’elle est régulatrice du flux biliaire. Elle permet de stimuler les sécrétions biliaires par les hépatocytes lorsque le flux est insuffisant, a contrario elle diminuera cette fonction sécrétrice pour s’opposer à un débit trop important ; et elle facilite l’élimination de la bile (cholagogue). Elle exerce une action antispasmodique, en particulier au niveau du sphincter d’Oddi qui contrôle l’évacuation tant de la bile que des enzymes pancréatiques dans la lumière intestinale qui permettra une bonne digestion. Elle est indiquée dans les troubles hépato-biliaires (spécialité Oddibil® disponible en pharmacie): boue biliaire, dyskinésie biliaire, insuffisance de sécrétion hépato-biliaire, troubles digestifs liés à la prise de psychotropes. Aussi, elle améliore cliniquement les migraines d’origine digestive. En cas de lithiase, la prudence s’impose pour ne pas risquer d’aggraver la situation. L’action de la fumeterre est relativement douce et harmonieuse sur le plan vésiculaire, elle ne sera pas aussi drastique que l’artichaut ou le radis noir. Toutefois, on évitera de la prendre en automédication dans le cadre d’une indication décrite ci-dessus, mais seulement après un avis médical favorable.

La fumeterre est aussi un bon diurétique, elle sera indiquée dans les problèmes de rétention d’eau, ou en adjuvant d’un traitement contre l’hypertension (aubépine, olivier).

La fumeterre est une excellente plante pour réaliser une cure de drainage saisonnière !

L’expérience de l’usage traditionnel nous apprend que la durée de prise de la fumeterre en fera varier ses effets. En effet, si on la prend sur une dizaine de jours tout au plus, alors elle agira comme un tonique (sur les troubles digestifs et sur l’état général). Dans ces indications, on se limitera à des cures courtes, et on imposera des pauses thérapeutiques d’au moins 15 jours entre deux fenêtres de travail.

Si on poursuit la prise au-delà de 10 jours, alors la plante devient calmante (cela est dû principalement à ses alcaloïdes). À ce stade, elle devient tout indiquée pour les tempéraments agités, hypertendus (avec +/- une répercussion cardiaque de cette agitation : arythmie, tachycardie). Elle conviendra particulièrement lorsque le sujet sera pléthorique.

Sur une prise prolongée (minimum 1 mois) par voie interne et/ou externe (compresses imbibées de l’infusion qu’on boit), elle soutiendra la fonction d’élimination de l’émonctoire peau, qui est interdépendant du foie. Traditionnellement, on la recommande pour traiter les prurits, le psoriasis, l’eczéma suintant et les dartres.

Comment l’employer ?

On peut employer la fumeterre à l’état frais comme à l’état sec. Fraîches, les parties aériennes fleuries devront être utilisées sans attendre. Une fois séchées rapidement au soleil par temps sec ou sur des claies à l’ombre dans une enceinte contrôlée, les parties aériennes fleuries peuvent se conserver à l’abri de l’humidité et de la lumière durant au moins 2 ans. On infusera pendant 15 minutes, 5g de plante sèche ou 10g de plante fraîche pour 500mL d’eau frémissante. À boire en 3 fois avant les repas. Si l’amertume est un frein, usez d’ingéniosité et combinez-là à la menthe, la mélisse ou encore la matricaire.

On peut aussi réaliser une teinture-mère de fumeterre (bonne extraction des alcaloïdes en milieu alcoolique). On prendra l’équivalent de 30 gouttes 20 à 30 minutes avant les principaux repas, d’une teinture-mère au D1 (dilution au 1/10ème dynamisée après une macération de 3 semaines des plantes fraîches dans un alcool à 80° minimum, 1 part de plante fraîche pour 2 parts d’alcool).

Par Benjamin Delfaut